Les autorités marocaines, en réponse aux recommandations du rapport d’évaluation mutuelle des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme du Groupe d’Action Financière pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (GAFIMOAN), ont pris différentes actions pour répondre aux recommandations des experts. Ces mesures visent à adapter et à mettre au niveau des standards internationaux ses normes préventives et répressives, ainsi que de corriger certaines déficiences en matière opérationnelle dans le système chérifien par les experts internationaux.
L’une de ces mesures a été d’adapter la législation existante en la matière, et de mettre à jour la Loi de base promulguée en 2007 dans ce domaine, laquelle avait déjà été complétée en 2011 et 2013 (Loi n° 43-05 relative à la Lutte contre le Blanchiment de Capitaux). La nouvelle loi n° 12-18, modifiant et complétant le Code Pénal et la Loi n° 43-05 précitée, a été publiée dans sa version française au Bulletin Officiel du Royaume du Maroc le 2 septembre 2021 (BORM n° 7018).
Les experts anti-blanchiment de l’IFPF ont pris l’initiative de rapprocher les nouvelles dispositions des dispositions existantes, et d’actualiser en conséquence la Loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette actualisation est accessible ici. Elles incluent les modifications totales ou partielles des articles initiaux, des ajouts d’articles nouveaux (en nombre de 3), ainsi que les articles abrogés (en nombre de 7).
Les principales mesures ont porté sur deux aspects : des aspects d’ordre pénal et des aspects systémiques dans la prévention, la détection ainsi que dans la mise en œuvre des poursuites pénales.
- Au niveau pénal, il est à noter l’élargissement de la notion des biens ainsi que l’ajout de définitions spécifiques aux relations d’affaires, aux constructions juridiques extraterritoriales ainsi que du gel de biens. La liste nominative des infractions sous-jacentes pour définir le champ d’application de l’infraction de blanchiment a été élargie. La définition de l’infraction pénale de blanchiment de capitaux a été également remodelée, et la sanction de l’amende pénale pour les personnes physiques reconnues coupables de celle-ci a été significativement augmentée.
- Au niveau des aspects systémiques de la politique globale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il est particulièrement à noter les adaptations suivantes :
- Concernant les assujettis :
- La liste des personnes physiques et des personnes morales assujetties aux obligations de la loi a été reprécisée.
- Introduction de la notion de politique et de règles de contrôle interne basées sur le niveau des risques au regard de leurs activités, les obligeant de fait à réaliser et maintenir actualisée de manière continue une évaluation des risques de leurs activités et de leurs produits, au regard de leur potentielle utilisation pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette nouvelle mesure obligatoire a été jugée suffisamment importante pour réécrire dans ce sens et de manière beaucoup plus large et précise, les articles 3 et 4 de la loi initiale.
- Précision au regard de l’identification et vigilance de leurs clients ainsi que de leurs opérations. Il a été introduit également la notion de bénéficiaire effectif. Les obligations de certains assujettis ont été précisées.
- Parallèlement aux déclarations de soupçon que doivent réaliser les assujettis, il est introduit un régime de déclarations systématiques sur les opérations financières qu’ils réalisent.
- Un élargissement du champ de sanctions pécuniaires, avec doublement du maximum encouru, ainsi que l’introduction d’une grille progressive de sanctions disciplinaires pour les assujettis défaillants dans leurs obligations prévues par la loi.
- Concernant les autorités de supervision et de contrôle des assujettis :
- Précision des champs respectifs des autorités de contrôle et de supervision des assujettis, avec une redéfinition plus précise de leurs missions et de leurs moyens de contrôle.
- Une focalisation a été introduite particulièrement au regard de contrôle des organismes à but non lucratif pour éviter leur utilisation abusive aux fins de financement du terrorisme ou de blanchiment de capitaux.
- En matière de prévention et de répression :
- Création d’un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales nationales ainsi que des constructions juridiques extraterritoriales.
- Changement de dénomination de l’Unité de Traitement du Renseignement Financier (UTRF) en « Autorité Nationale du Renseignement Financier » (ANRF), avec une redéfinition de ses missions, ainsi qu’un doublement de la durée d’opposition à exécution de toute opération qui fait l’objet d’une déclaration de soupçon dont elle a la prérogative.
- Création d’une commission nationale chargée de l’application des sanctions prévues par les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies relatives au terrorisme, à la prolifération des armes et à leur financement, avec la définition de ses prérogatives.
- Elargissement de la compétence des tribunaux au regard des poursuites pénales des infractions de blanchiment de capitaux, jusqu’alors limitée à la Cour d’appel de Rabat, aux juridictions de Casablanca, Fès et Marrakech.
Selon l’Agence Marocaine de Presse (AMP) du 3 juillet 2021, lors de la présentation de la loi le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère public, Monsieur El Hassan Daki a déclaré : « Afin de contribuer efficacement à la mise en œuvre du plan d’action tracé, les parquets ont été invités à activer un certain nombre de mesures, entre autres les enquêtes financières parallèles aux enquêtes sur les crimes initiaux et les dispositifs de coopération internationale visant à traquer les personnes et les fonds se trouvant à l’étranger, sans oublier les mesures de saisie et de gel des avoirs».
L'article de l’AMP